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Le soutien par les pairs peut être décrit comme le fait d’avoir quelqu’un qui vous rencontre là où vous êtes et qui vous accompagne dans votre parcours. Il peut être différent pour chacun, mais il se résume à une relation de soutien entre des personnes qui partagent une expérience de vie commune.

Dans cet épisode, les animateurs Brian McKenna et Laryssa Lamrock discutent des impacts profonds du soutien par les pairs au sein de la communauté des vétérans et des familles, y compris le rôle que le soutien par les pairs a joué dans leur propre vie et leur bien-être.

Thèmes clés

  • La valeur et l’impact du soutien par les pairs chez les vétérans et leurs familles
  • Trouver des liens émotionnels plutôt que de partager des détails traumatisants
  • Stratégies de soutien pour les familles et les amis
  • Le rôle et l’importance des limites dans le soutien par les pairs
  • Reconnaître la portée du soutien par les pairs et identifier quand un soutien clinique supplémentaire est nécessaire
  • Ce à quoi peut ressembler un soutien par les pairs occasionnel et informel dans la vie de tous les jours
  • Suggestions pour trouver un pair crédible et sympathique pour les vétérans et les membres de leur famille.
  • Comment le soutien par les pairs peut contribuer au processus de transition vers la vie post-militaire
  • Les différents types d’approches de soutien par les pairs et leur complémentarité

Ressources

Qu’est-ce que le soutien par les pairs?

Répertoire des programmes de soutien par les pairs

La Légion royale canadienne – Programmes de soutien par les pairs pour vétérans

Wounded Warriors Canada – Formation au soutien par les pairs pour les premiers intervenants (disponible en anglais seulement)

Programme de soutien par les pairs pour les personnes ayant subi un traumatisme sexuel dans le cadre du service militaire

Soutien social aux blessés de stress opérationnel (SSBSO)

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L’ESPRIT AU-DELÀ DE LA MISSION ÉPISODE 17 : LE POUVOIR DU SOUTIEN PAR LES PAIRS

Brian

Vous avez trouvé notre podcast. Ce podcast s’intitule « L’esprit au-delà de la mission. » C’est un podcast sur les vétérans et leurs familles, et plus particulièrement sur la santé mentale : ce qui se passe dans nos vies, ce qui se passe dans nos têtes. Nous ne vous parlons pas en tant que médecins ou professionnels, nous vous parlons de ce que nous vivons et de nos expériences. Je suis Brian McKenna, 19 ans dans les Forces canadiennes. Je suis accompagné de ma partenaire, Laryssa Lamrock.

Laryssa

Je suis un membre de la famille d’un vétéran. Je suis fière d’être une enfant de militaire. Mon mari a servi dans l’armée et je suis fière d’être une mère de militaire. Nous sommes très enthousiastes de pouvoir approfondir dans ce podcast les questions qui sont importantes pour la communauté des vétérans et de leurs familles.

Brian

Rejoignez-nous pour discuter de la santé mentale du point de vue des vétérans et de leurs familles. Nous voici donc de retour avec un nouvel épisode de L’esprit au-delà de la mission et nous parlons aujourd’hui du soutien par les pairs. Nous allons aborder le sujet sous les deux angles. Je pense que nous avons tous les deux apporté un soutien à nos pairs, mais nous en avons également reçu ce type de soutien. Pour ma part, je pense que l’on ne sait pas toujours où l’on met les pieds. Vous pouvez participer à une séance de soutien par les pairs pour une personne qui vous a téléphoné et vous pouvez en sortir une heure et demie plus tard en réalisant que ça a peut-être été autant bénéfique pour vous que pour elle.

Laryssa

Absolument. Le soutien par les pairs est quelque chose qui me passionne. J’étais ravie quand tu as suggéré le sujet. Il n’y aura que Brian et moi aujourd’hui, mais j’ai pensé que c’était approprié pour la question du soutien par les pairs, parce que le soutien par les pairs n’a pas besoin d’être compliqué. Il n’est pas nécessaire qu’un thérapeute soit impliqué ou quelque chose du genre. Essentiellement, le soutien par les pairs consiste simplement en une conversation entre deux personnes qui peuvent avoir des expériences ou des points de vue similaires. En préparant ce podcast, j’ai réfléchi à ce qu’est le soutien par les pairs. Peut-on le définir ? Je pense qu’il existe un large éventail d’expériences et qu’il est difficile de mettre le doigt exactement sur ce qu’est le soutien par les pairs. Pour moi, à la base, c’est deux personnes qui ont une conversation.

Brian

Comme il est parfois difficile de le définir, il peut sembler bizarre de dire qu’il peut être mal fait, mais il peut être mal fait. Il peut y avoir des façons de le mener vers un chemin qui ne fonctionne pas et qui peut aussi être dangereux parfois. Nous allons y revenir un peu plus tard. L’une des meilleures séances de soutien par les pairs que j’ai eues était avec un jeune homme il y a quelques années. Ce qui était le plus intéressant, c’est qu’il n’a jamais évoqué son principal problème au cours de la séance.

Son principal problème était qu’il envisageait des choses comme l’automutilation, mais il m’a demandé tout autre chose, par exemple la recherche d’un emploi et comment j’arrivais à m’intégrer dans la société. À la fin, alors que nous rentrions, nous nous sommes retrouvés dans un Tim Hortons pas très loin de l’endroit où j’habite. La seule phrase qu’il a dite avant qu’on ne finisse cette séance était la raison même d’avoir ces séances de soutien entre pairs. Il m’a dit : « Vous avez réussi. » Je m’en suis toujours souvenu parce qu’il n’est pas nécessaire d’arriver à ces séances avec la réponse parfaite ou en ayant étudié X et de maîtriser.

En fait, ces questions sont généralement laissées à d’autres personnes. Les professionnels sont là pour ça. Ce que j’ai réalisé au cours de cette conversation, après avoir parlé de tout pendant une heure et demie, c’est que le fait que j’étais là pour lui parler montrait qu’il était possible de survivre. Vous aussi pouvez être là pour parler à quelqu’un demain. C’est l’une des séances qui m’a le plus marqué.

Laryssa

Pour comprendre ce qu’est le soutien par les pairs, premièrement, je pense que le soutien par les pairs s’inscrit dans un continuum. Récemment, lors d’une conférence, j’ai participé à une table ronde avec un groupe de personnes qui fournissaient des services d’assistances aux familles de militaires. Je suis un fervent défenseur du soutien par les pairs. J’ai prodigué ce soutien pendant 15 ans dans le cadre d’un programme national.

Lorsque j’ai mentionné le soutien par les pairs, les gens se sont montrés plutôt réticents, parce que le soutien par les pairs est devenu une expertise à part entière et tout le monde suppose qu’il s’agit d’un soutien formel. Pour eux, lorsque l’on parle de soutien par les pairs, ça signifie formel. Ça veut dire que je vais m’asseoir avec quelqu’un, et je vais parler de mes problèmes. Or, les gens ne veulent pas de cela et préfèrent donc ne pas y participer.

Une des choses que j’ai mentionnées au début et dont je veux parler aujourd’hui, c’est que le soutien par les pairs n’est pas toujours formel. Le soutien par les pairs peut se produire lorsque deux personnes se promènent simplement avec leur chien.

Brian

Nous le faisons pendant nos séances de sport.

Laryssa

Oui, exactement. C’est l’une des choses que j’aimerais souligner, le soutien par les pairs est très vaste. Parfois, il s’agit simplement d’être présent, de donner l’exemple. J’ai déjà organisé des réunions de soutien par les pairs avec des personnes, où je me contentais de m’asseoir avec elles pendant qu’elles pleuraient. Parfois, tout ce dont les gens ont besoin, c’est d’une simple présence.

Brian

Ce que je comprends dans ce que tu dis, c’est que si les praticiens sont habiles et assez courageux, ils peuvent vraiment commencer à voir les possibilités qui s’offrent à eux en matière de soutien par les pairs. Par exemple, si vous animez une session et que vous avez six vétérans dans la salle et que vous commencez par quelque chose du genre : « Mettons-nous en cercle, posons nos pieds sur le sol et commençons à respirer ensemble. » Les participants seront surpris. Absolument. Lorsqu’un membre des forces spéciales ou un ancien pilote de chasse s’assoit à côté de vous et vous dit : « Devinez ce que je fais ? Je pose mes pieds sur le sol et je commence à respirer. C’est ainsi que se déroule l’exercice. » Nous sommes dans un scénario complètement différent. C’est une façon d’utiliser la crédibilité de cette personne pour aider les gens à s’améliorer.

Laryssa

Absolument.

Brian

J’accorde aux gens du crédit lorsqu’ils sont nerveux à propos du soutien par les pairs. Essayez de voir les choses de la manière suivante. Si vous faites des études de médecine, combien de temps vous reste-t-il avant de vous asseoir pour la première fois dans une pièce avec un patient ? Il faut compter une bonne dizaine d’années. Brian lui entre dans la pièce, un café à la main, et se dit : « Je vais juste m’asseoir et discuter avec ce type. » Je comprends pourquoi cela effraie certaines personnes. Je pense qu’il faut accepter cette réticence, mais le faire quand même.

Laryssa

Je suis d’accord avec toi. Je pense que les deux approches sont bénéfiques et qu’elles peuvent être complémentaires. Je suis juste curieuse, je veux te demander, parce que c’est quelque chose dont nous n’avons pas vraiment parlé. Tu sais que j’ai été impliqué dans le soutien par les pairs pendant longtemps. Il m’arrive d’en parler. Le soutien par les pairs me manque beaucoup. Tu as été impliquée dans des organisations qui fournissent un soutien par les pairs. Comment as-tu été initié au soutien par les pairs ?

Brian

Pour ma part, j’étais le bénéficiaire. Encore une fois, je pense au côté mentorat et au côté authentification. La première fois que j’ai bénéficié d’un soutien par les pairs, c’était un pilote qui allait chez le médecin. De l’autre côté de la salle, quand vous regardez quelqu’un que vous pensez être le plus difficile à gérer dans la pièce et il lève la main et dit : « Oui, j’ai un problème et voici comment je le gère. » Ce changement de ton, ça n’a pas de prix. Aucune école n’enseigne cela. C’est juste du courage de sa part.

Plein de choses peuvent se propager, on peut propager une maladie dans un peloton. On peut aussi propager une bonne santé mentale, si on le fait de la bonne manière. Je pense que c’est la première expérience que j’ai eue en la matière. Je dirais cependant que le premier soutien en mode intervention pour moi date probablement d’il y a près de 20 ans. Je revenais de l’étranger et les gens pouvaient voir que j’étais un peu excité, que je surcompensais peut-être, que je m’assurais que le message transmis aux gens était que j’avais passé un très bon moment à l’étranger. Les gens qui me connaissaient assez bien, au bout d’un mois, ont fini par se demander ce qui se passait.

Même à ce moment-là, j’ai tout nié, mais je savais de quoi il s’agissait. J’étais assis dans une pièce avec un groupe de vétérans croates qui avaient connu pire. Même cette question de savoir ce qui est pire et ce qui est moins pire peut parfois être le côté négatif de la présence de pairs dans une même pièce où nous essayons de faire des comparaisons. Je pense que même aujourd’hui, je le fais instinctivement. Pour faire cour, ils avaient tous effectivement traversé une mauvaise passe. Quand ils parlaient, j’écoutais. C’est tout. Le rang n’avait pas d’importance. D’après ce que je pouvais voir, ces gars-là parlaient et tout le monde écoutait. Ils parlaient de comment faire une attaque de section, comment faire une patrouille et puis ce type me dit : « Brian, c’est l’heure. Parlons. »

Laryssa

On dirait qu’ils s’agissaient de personnes qui étaient déjà crédibles à tes yeux, vous aviez une expérience commune. Ils avaient vécu quelque chose de similaire à ce que tu avais vécu. Ce que je comprends quand je t’écoute toi et beaucoup d’autres personnes, c’est qu’il y a toujours quelqu’un qui les aborde en premier. Quelqu’un prend le temps de leur demander comment ils vont. « Non, je vous demande comment vous allez vraiment. »

Créer cet espace pour que quelqu’un se sente tout d’abord vu, puis créer un espace pour qu’il soit entendu. Je n’ai pas souvent entendu des personnes lever spontanément la main et dire : « Oui, j’ai besoin d’un soutien par les pairs. » Il faut que quelqu’un prenne le temps de les approcher, d’ouvrir la porte et de créer la confiance pour qu’ils se disent qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation, parce que je pense que beaucoup de gens pensent qu’ils sont les seuls à vivre cette expérience.

Brian

Le terme militaire « double tir » me vient à l’esprit. En d’autres termes, la première balle ne traverse normalement pas l’armure, mais la deuxième oui. Nous avons une armure. « Comment allez-vous ? » « Plutôt bien. » « Non, comment allez-vous ? » C’est normalement tout ce qu’il faut pour que la personne, même toi, dise : « Semaine difficile. » Bien, maintenant nous avons une conversation. Ce n’est pas plus technique que ça.

Ce que je dis, cependant, c’est que j’ai l’impression que les pairs-aidants vraiment doués doivent avoir au moins une certaine crédibilité dans un domaine. Parce que si vous avez un gars dans votre unité qui est le pair-aidant, mais il n’excelle pas ou ne répond même pas à la norme dans aucun autre domaine, les gars ne vont pas parler à cette personne. C’est lorsque vous vous présentez avec une certaine crédibilité, à mon avis, et que je regarde et me dis : « Wow, ce gars a gagné la compétition de patrouille et il me demande comment je vais. Ça, c’est une conversation qui en vaut la peine. »

Si vous m’envoyez voir la personne– il se trouve que j’ai des relations de soutien par les pairs avec certains aumôniers, mais parce qu’individuellement nous sommes amis, mais chaque fois que l’unité se dit : « Oh, devinez quoi, l’aumônier va être là. » Ce n’est pas comme si nous faisions la queue pour aller lui parler, mais vous savez ce que je pourrais faire dans le coin pendant que je parlerais de la raison pour laquelle je ne suis pas dans cette queue ? Je serais en train de parler à quelqu’un d’autre.

Laryssa

C’est vrai. En train de faire du soutien par les pairs, oui.

Brian

Oui.

Laryssa

Une des choses dont je voulais parler aussi, c’est que– Je l’ai décrit comme un continuum. Un soutien par les pairs peut être des collègues qui se promènent sur la route, qui prennent une tasse de café. Il peut s’agir d’un groupe de promeneurs de chiens. Ça peut être très informel, et ça peut aller jusqu’à des programmes très formels où les gens sont des coordinateurs formés, par exemple, pour couvrir certaines zones. Oui, donc une partie plus formelle.

Il existe aujourd’hui des programmes nationaux de soutien par les pairs, dans le cadre desquels vous téléphonez et on vous met en contact avec quelqu’un. Une des questions que je voulais aborder est la suivante : qu’est-ce qui rend quelqu’un crédible ? Je pense que si quelqu’un cherche un soutien par les pairs, tout d’abord, n’importe lequel de ces programmes à travers ce continuum pourrait être le bon pour elle. Je ne pense pas que l’un soit nécessairement meilleur que l’autre. Ils offrent quelque chose de légèrement différent. Lequel vous correspond le mieux ? Par ailleurs, il faut trouver la bonne personne avec qui établir un lien. Même au sein du même programme– Lorsque je fournissais un soutien par les pairs, je sais que cela va vous surprendre, mais je ne faisais pas l’unanimité, et ça ne me dérangeait pas.

Brian

Tu peux m’en dire plus ?

Laryssa

[rires] Je vais élaborer un peu et tu vas comprendre. Je pense que pour les personnes qui cherchent un soutien par les pairs, il faut faire des recherches, trouver ce qui vous convient le mieux, et ensuite trouver la personne qui vous convient le mieux. Si vous entrez en contact avec quelqu’un pour un soutien par les pairs et que vous n’avez pas l’impression que cette personne vous convient, n’abandonnez pas. Trouvez simplement une personne que vous trouvez crédible ou celle avec qui vous avez trouvé une connexion.

Brian

Oui. Je me demande pourquoi nous sommes toujours à la recherche d’une personne qui nous ressemble. Il n’est pas nécessaire que ce soit une copie conforme de nous-mêmes. Le monde des vétérans est grand, plus de 600 000 personnes. Les autres vétérans n’ont pas exactement les mêmes expériences que moi et je n’ai pas les mêmes expériences qu’eux. Il ne s’agit pas nécessairement d’avoir quelqu’un qui a vécu exactement la même chose que vous. Il faut surtout qu’il puisse comprendre globalement ce dont vous parlez.

Je vois les choses de la manière suivante : parfois, les gouvernements établissent des règles pour les personnes qui tamponnent les passeports et pour les personnes qui entretiennent tous les bâtiments qui nous entourent. L’armée n’est pas une simple composante de la fonction publique. Elle est tout à fait unique. Son travail quotidien consiste à résoudre les problèmes très spécifiques, les choses dont les autres ne s’occupent pas. Cette réalité crée un peu de replis sur soi, d’où le fait qu’on se ressemble peut-être, mais comment se fait-il que je puisse apercevoir un type de l’autre côté d’un avion et me dire : « Ce type est un vétéran ? » Qu’est-ce que je vois en lui ? Je ne vois pas son âme, je ne peux pas deviner ce qu’il pense en ce moment, mais il y a une différence et c’est cette différence qui m’intéresse. Cet état de fait irrite certaines personnes qui sont proches de moi dans ma vie privée parce qu’elles se demandent comment je peux parler à ce type que je viens de croiser à l’aéroport alors qu’elle est ma mère. Nous sommes meilleures amies depuis 30 ans. Oui, c’est vrai. As-tu déjà été frappé par des tirs de mortiers ? Non ? Okay, cool. Je vais aller parler à quelqu’un qui l’a déjà été. Je pense que cela joue aussi un rôle.

Laryssa

Bien sûr que oui. Tu es père, mais tu n’as pas accouché donc il ne serait pas possible que toi et moi nous puissions avoir une vraie conversation sur le sujet. Il faut donc chercher quelqu’un qui peut comprendre cette expérience commune, c’est sûr.

Brian

Parfois, c’est une question de connexion. Parfois c’est une question de protection. « Veux-tu vraiment que je te parle du trafic d’enfants ? Parce que j’en ai vu beaucoup. » Ce n’est pas un sujet de conversation quotidien et banal. Je pense que pour beaucoup d’entre nous, nous avons l’impression que si la chose qui nous préoccupe est quelque peu délicate et désagréable, alors on ne va parfois pouvoir parler qu’à 1% de la population.

Laryssa

Pour moi, une autre chose est de savoir ce qui n’est pas dit ou ce que l’on n’a pas à dire. J’ai également apporté un soutien par les pairs à des familles de secouristes. À l’époque, je n’étais pas membre d’une famille de secouristes, mais je le suis aujourd’hui. Il y avait des choses universelles, comme le fait que mon conjoint était un vétéran militaire et que leur conjoint ou leur enfant était un policier, par exemple.

Il y avait des choses que nous avions vécues en commun. Une fois que nous avons établi que nous avions vécu ces choses en commun, par exemple en voyant notre conjoint avoir un flash-back, nous n’avons plus eu besoin d’en parler. Il suffisait d’établir un contact visuel et de se dire : « Je vois que tu as compris. » À partir de là, on pouvait passer à la question de savoir comment gérer cette situation ou à d’autres questions. Il y a parfois des choses qui ne sont pas dites et on se sent quand même compris.

Brian

Une chose m’a beaucoup aidé, il y a beaucoup de bons médecins, mais c’est un gars de la côte ouest qui dirigeait un programme sur lequel je travaillais. Il m’a fait asseoir lorsque nous faisions du soutien par les pairs formels. C’est lui qui m’a vraiment appris que ce ne sont pas les détails qui comptent, mais les émotions. Cela a changé ma façon de penser. Aujourd’hui, j’ai cette phrase sur le bout de la langue et je suis un meilleur pair-aidant grâce à cela.

Son argument était simple. Il ne s’agissait pas de dire que si vous avez assisté à un mauvais incident qui a fait quatre victimes, vous n’avez pas besoin de trouver quelqu’un d’autre qui a assisté à un mauvais incident qui a fait quatre victimes également. Si vous êtes en présence d’un homme qui a eu un mauvais incident avec huit victimes, cela ne veut pas dire que vous devez vous taire parce que le sien est pire. Nous devons mettre cela de côté. Si, à ce moment-là, vous vous êtes senti abandonné, c’est de cela qu’il s’agit.

Laryssa

Je pense que c’est très important. Je fais partie d’un comité qui compte un certain nombre de représentants de différentes organisations de soutien par les pairs à travers le Canada. C’est un groupe de personnes passionnées. Les conversations sont très intéressantes parce que chacun a une perspective et une expérience différentes du soutien par les pairs. J’avais dit au début de ces réunions que chacune de ces personnes allait venir nous dire que son programme de soutien par les pairs est le meilleur.

Brian

Oui, c’est vrai.

Laryssa

Chacun d’entre eux a raison parce qu’ils sont effectivement la meilleure option pour les personnes qu’ils aident. Ce que je veux dire, c’est que toi et moi allons partager nos propres expériences et opinions sur le soutien par les pairs. Il se peut que tout le monde n’ait pas le même point de vue ou la même opinion, mais je pense qu’il est important d’entamer une conversation avec les personnes qui ne connaissent pas le soutien par les pairs ou qui n’y pensent pas, et j’espère que cela les amènera à poser davantage de questions.

J’aimerais te demander quelles sont les choses que tu penses que le soutien par les pairs n’est pas ? Pour ma part, je pense que le soutien par les pairs ne devrait pas consister à partager du porno de guerre, par exemple. Ce n’est pas pour les personnes qui se posent des questions– on ne s’assoit pas pour parler de tous les détails atroces de son traumatisme parce que si on est assis en face d’un pair, c’est potentiellement déclencheur et difficile pour lui. Or si comme tu dis, vous parlez plutôt de ce que vous avez ressenti à la suite de cet incident et des jours où vous vous souvenez de ce que vous avez ressenti, de comment vous faites pour traverser cette journée. Ma question à nouveau est la suivante : qu’est-ce que le soutien par les pairs n’est pas, selon toi ?

Brian

Je pense que, par bonté d’âme, lorsque quelque chose fonctionne pour nous, nous voulons le partager. Si vous ne le faites pas de la bonne manière, vous allez prendre le rôle d’un médecin alors que vous n’en êtes pas un. Ce que ce n’est pas c’est ça, ce n’est pas un guide, ce n’est pas un conseil médical. Un exemple clair dans ma propre histoire est que ce sont d’autres pairs qui m’ont incité à envisager le programme des chiens d’assistance. Je suis heureux qu’ils l’aient fait. Tout allait bien. Vous savez quoi ? Je n’ai rien de négatif à dire, mais je me souviens avoir parlé à d’autres personnes et leur avoir dit : « Vous devez vous procurer un Elkhound. Vous savez pourquoi ? Parce que j’en ai un et c’est extraordinaire. C’est donc ce que vous devez faire aussi. » C’est vers cette dernière phrase qu’il ne faut pas aller. Tout ce qui précède est vrai. C’est ce que d’autres personnes m’ont recommandé. Ça marche pour moi. Voilà ce que ça m’apporte. Rien que du positif. Maintenant, ce que vous devez faire, c’est acheter une orthèse de jambe de marque X, ou non, vous ne devriez pas prendre ce médicament. Je la prenais. Mon médecin m’a fait arrêter l’Effexor et m’a mis sous X et tu devrais–

C’est là que nous nous trompons. Ça vient des meilleures intentions, Laryssa. Je pense que les vétérans sont tellement désireux d’améliorer leur santé qu’ils sont prêts à essayer n’importe quoi et à recommander n’importe quoi. Même dans votre propre passé, vous pouvez regarder et vous dire, d’accord, ceci a fonctionné. Est-ce que ça a marché ou est-ce que ça a permis de déboucher l’égout et tout s’est mis à couler après ?

Je suis un spécialiste du soutien par les pairs. C’est ma spécialité, mais je ne peux pas me regarder et dire : « Quand est-ce que je me suis amélioré ou quand est-ce que j’ai fait le travail préparatoire qui m’a permis d’en arriver là ? » Si je pense que c’est parce que j’ai arrêté ce médicament ou que j’ai mis cette genouillère ou que j’ai eu ce type de chien, c’est ce que je vais vous dire de faire même si ce n’est pas du tout la bonne solution pour vous en ce moment.

Laryssa

C’est vrai. On dirait que le soutien par les pairs peut être une contribution ou un outil à mettre dans la boîte à outils. La guérison ne se résume pas à un seul outil dans la boîte à outils. Il s’agit de puiser dans un tas de choses différentes. Les gens peuvent peut-être faire appel au soutien des pairs, mais ils peuvent aussi faire du yoga ou essayer quelque chose de différent. Tous ces éléments mènent à la guérison. Je pense que c’est un aspect important.

Brian

Au début, tu as dit que ça te manquait. Qu’est-ce qui te manque ?

Laryssa

Ma communauté me manque. Mes pairs me manquent. Lorsque j’étais pair-aidant, je travaillais très dur pour essayer de trouver un équilibre. Je n’étais pas là pour me faire soutenir par mes pairs. Je devais en être consciente. Il s’agissait de la personne assise en face de moi. J’étais là pour elle. Si j’avais besoin de me confier, je devais aller voir un pair-aidant, mais ça ne veut pas dire que je n’en ai pas tiré quelque chose.

Mes pairs m’ont beaucoup appris. Ces réunions m’ont beaucoup apporté. C’est un aspect qui me manque. C’est très gratifiant. Aussi difficile que cela ait été, c’est probablement l’une des choses les plus difficiles que j’ai faites sur le plan professionnel. C’est surtout parce que je le vivais tous les jours que ça a été difficile. C’était tellement gratifiant, surtout quand vous pouviez voir des gens qui se sentaient si seuls, qui étaient à un point de désespoir, qui se sentaient déconnectés, même si ce n’était que pour une heure autour d’une tasse de café, s’ils avaient l’impression que quelqu’un les comprenait et qu’ils replongeaient ensuite dans leurs difficultés, au moins je leur donnais ce répit et je pouvais leur donner une perspective différente. Oui, il y a beaucoup de choses qui me manquent vraiment.

Brian

Quand d’autres personnes venant de familles de vétéran venaient vous voir pour vous parler, de façon générale, qu’est-ce qu’ils recherchaient ?

Laryssa

C’est intéressant. Beaucoup d’entre eux ne savaient pas ce qu’ils cherchaient lorsqu’ils sont venus pour la première fois. Je leur demandais souvent : « Qu’est-ce qui vous a poussé à venir nous voir ? » Beaucoup d’entre elles, pas toutes, mais beaucoup d’entre elles voulaient des outils et des stratégies. « Qu’est-ce que je peux faire chez moi ce soir pour faire une différence dans mon foyer et soutenir mon vétéran ou l’être qui m’est cher ? »

Je souris en ce moment, les gens ne le voient pas, parce que j’ai trouvé très intéressant que la première fois que je m’assoie avec des pairs et que je leur demande comment allez-vous, ils me racontaient que leurs proches avaient omis de prendre leurs médicaments trois jours d’affilée, qu’ils avaient dormi et avaient raté leurs rendez-vous cliniques et avaient fait trois cauchemars au cours de la semaine. Ils me racontaient comment allaient leurs proches. Je les laissais faire parce qu’ils sont tellement liés à leur proche. Puis je leur disais : « D’accord, merci de m’avoir raconté tout cela, mais je veux savoir comment vous vous allez. »

Souvent, lorsque je posais la question pour la deuxième fois et que je restais silencieuse, ils s’effondraient parce que je pense que pour beaucoup de membres de familles, c’était la première fois que quelqu’un leur posait cette question et qu’ils ne se contentaient pas de l’ignorer lorsqu’ils répondaient en donnant des informations sur l’état de santé de leur proche. Je pense que les membres de familles cherchaient des outils et des stratégies. Ils cherchaient à être reconnus, même s’ils ne le savaient peut-être pas. Je pense qu’ils cherchaient peut-être la permission de se concentrer sur eux-mêmes.

Il peut s’agir de cas individuels, mais ce sont là quelques-unes des choses les plus importantes que j’ai vues chez les membres de famille. Ils voulaient la simple reconnaissance du fait qu’ils étaient affectés aussi. Comme nous le disions, il existe de nombreux programmes de soutien par les pairs, certains nationaux, d’autres locaux. Il est plus difficile de trouver des programmes qui répondent aux besoins spécifiques des membres de familles.

Brian

Je pense que pour beaucoup de mes pairs, ce qu’ils recherchent, c’est un endroit où ils peuvent dire ouvertement qu’il est très difficile de revenir au Canada. Le pays des bombes, des balles, des roquettes et d’autres choses de ce genre– Ce n’est pas toujours comme ça, soyons honnêtes, il y a des bombes et des balles, du volley-ball et des parties de poker. C’est ce que l’on trouve dans ces environnements. Il est très difficile de descendre cet escalier mécanique, mais personne en bas de l’escalier mécanique ne veut entendre cela. Personne ne veut entendre dire que c’est difficile de rentrer à la maison avec les siens. Nous voulons tous croire que c’est un moment joyeux et qu’il s’agit de retrouvailles familiales.

D’après mon expérience, si on leur donne sept jours, la moitié d’entre eux y retourneraient si c’était humainement possible. Pourquoi ? Il est si difficile d’expliquer aux personnes que vous aimez vraiment que ce n’est pas eux, mais cet environnement. C’est : « Je ne me sens plus à ma place ici. » Bonne chance pour essayer de faire attendre ça à votre femme quatre jours après votre retour de mission. Je ne le recommande pas, d’ailleurs. Ce n’est pas pour rien que nous faisons des exercices de décompression avec vos pairs. C’est aussi pour cette raison que nous ne disons pas : « Prenez six semaines de vacances tout de suite. » Nous accordons un congé de débarquement, puis il faut revenir. Il y a des raisons pour lesquelles l’armée a structuré la façon dont vous rentrez chez vous, et ils vous libèrent pour rentrer chez vous par étapes, et c’est judicieux, mais je pense que ce n’est vraiment que dans un groupe de pairs que vous entendrez cela.

Je pense que c’est ce que le soutien par les pairs peut faire de mieux. Par exemple : « Tu ne veux pas dire que tu ne veux pas être avec ta famille, mais ça pourrait être interprété de cette manière, peut-être que tu devrais donc d’abord essayer avec Bob. »

Laryssa

Oui, c’est ça.

Brian

Pas vrai ?

Laryssa

Une chose que j’aimerais souligner aussi, c’est que toi et moi avons cherché à obtenir le soutien de nos pairs pour nos propres expériences. Tu parlais un peu de la période de transition et d’intégration qui a été difficile, alors tu t’es tourné vers tes pairs. En ce qui me concerne, j’ai apporté le soutien à mes pairs pour les traumatismes liés au stress opérationnel au sein de l’armée. Le soutien par les pairs peut s’appliquer à n’importe quelle situation. En tant que vétéran, vous souffrez peut-être de douleurs chroniques, et il y a probablement des groupes pour cela. Il peut s’agir d’un traumatisme sexuel lié au service militaire, de toute sorte de choses.

Pour les membres de famille, encore une fois, il peut s’agir– Nous parlions de santé mentale, c’est ce sur quoi Atlas se concentre dans notre travail, donc en tant que membre de famille, ça peut être ce que vous recherchez pour savoir comment soutenir votre proche qui souffre d’un problème de santé mentale, ou ça peut être un bambin. Peut-être que vous êtes la mère d’un tout-petit et que vous cherchez ce genre d’information. Je voulais simplement vous dire que nous parlons, toi et moi, de nos propres expériences, mais qu’il faut chercher auprès d’autres pairs ce que vous voulez valider ou ce sur quoi vous êtes bloqué. Il y a toute une foule de gens qui ont probablement vécu quelque chose de similaire à ce que vous avez vécu.

Brian

Si je regarde la dernière période où j’étais en uniforme, tous les signes étaient présents montrant que c’était la fin. On avait des activités relativement amusantes et intéressantes, les trucs traditionnels de l’armée : le tir, l’entraînement, ce genre de choses. Je me souviens qu’à ce moment-là, je me disais : « Bon sang, ça va me manquer. C’est la dernière fois que je vais tirer avec ça, que je vais sentir le recul de ceci. » Ce genre de choses. Je n’ai plus cette sensation maintenant. Elle est là. Si l’occasion se présentait, oui, d’accord, j’irais assouvir cette pulsion, mais ça ne me fait pas souffrir.

J’aurais aimé avoir une bonne conversation honnête avec chacun des gars qui étaient là. C’est ce qui me manque. Il y a des moyens d’y remédier. En fait, vous verrez que vous leur manquerez probablement aussi, téléphonez-leur. C’est ce que j’obtiens en grande partie grâce au soutien entre pairs. Parfois, il n’est même pas nécessaire de parler de soutien. Les choses se font naturellement. C’est juste : « Peut-on trouver une excuse pour que nous soyons tous les cinq dans la même pièce ? » Si je tourne en rond dans une camionnette autour de Vancouver, mais que les gens à l’intérieur sont sympas, je vous promets que je vais m’éclater.

La question n’est pas de savoir où nous allons, et c’est probablement ce qui m’a choqué dans toute cette phase de transition. Je pensais que les choses allaient me manquer. C’est vrai que les opérations me manquent, mais chaque soldat sait au fond de lui qu’il y aura un moment où les genoux et les hanches lâcheront et qu’il ne sera plus possible de faire cela, mais jusqu’à ma mort, je téléphonerai à ces hommes. C’est parfois la conversation, c’est aussi parfois le sourire de l’autre bout de la pièce, sachant exactement ce que la personne pense. C’est aussi ça le soutien par les pairs.

Laryssa

C’est une connexion.

Brian

Pas vrai ?

Laryssa

Oui. C’est le fait de se sentir connecté.

Brian

Oui, c’est les gens, mais pourquoi donc ?

Laryssa

Exactement. Nous avons parlé un peu de ce que le soutien par les pairs n’est pas. Je pense que les personnes qui s’intéressent au soutien par les pairs ont le droit de poser des questions. Un peu comme lorsqu’on achète une nouvelle voiture ou quelque chose comme ça. Si vous voulez trouver un nouveau clinicien ou un nouveau médecin, posez des questions. Si vous voulez vous engager dans un programme de soutien par les pairs, posez des questions. Posez des questions sur le respect de la confidentialité. Je pense que c’est quelque chose d’important pour beaucoup de gens, en particulier au sein de cette communauté. Demandez de quel type de soutien par les pairs il s’agit. Est-ce un soutien individuel, un soutien de groupe ? J’encourage simplement les gens à s’informer un peu. Vous pouvez aller sur Internet, il y a des endroits où vous pouvez trouver une carte des services de soutien par les pairs à travers le Canada, et trouver ce qui vous convient.

Il y a une chose dont j’aimerais qu’on parle, il s’agit du soutien que reçoivent les pairs-aidants. J’ai dit que j’aimais mon travail de pair-aidant, c’était un travail à temps plein, je parlais à d’autres familles, j’aidais les personnes souffrant des blessures de stress opérationnel, puis je rentrais à la maison et j’aidais quelqu’un qui souffrait d’une blessure de stress opérationnel. Il était parfois difficile de faire la part des choses parce qu’on s’inspire de son expérience personnelle, on est authentique.

Je n’étais pas silencieuse tout le temps où j’étais assise en face des gens. Je me confiais un peu pour qu’ils sachent que je les comprenais ou que je comprenais leur point de vue. Dans le cadre d’une séance de soutien par les pairs, il arrive que l’on donne un tout petit peu de soi lorsqu’on est assis en face d’un pair, ou que cela déclenche quelque chose ou rappelle quelque chose que l’on a vécu. Parlons un peu du soutien apporté aux pairs-aidants.

Brian

Voici comment voir les choses. S’il y a une zone à éviter dans votre propre vie, un groupe de soutien par les pairs s’y rendra probablement. Si vous le faites dans le vrai sens du terme, c’est-à-dire : « Laryssa, je ne sais pas ce qui se passe en ce moment. Pouvons-nous en discuter ? » Ça peut aller n’importe où. Il peut s’agir des enfants, du travail, de n’importe quoi. Je pense que c’est l’une des choses qu’il faut affronter quand on se retrouve dans ce genre de situation : « Est-ce que j’ai des démons que je ne veux pas réveiller ? » Parce que ça va arriver et quand cela arrive, il faut se demander : « D’accord, et alors ? » Si vous êtes un pair-aidant et vous ne savez pas exactement qui vous allez appeler si un problème se pose, vous avez probablement sauté une étape.

Laryssa

Je pense qu’il y a un certain nombre de choses que tu viens de toucher du doigt. En tant que pair-aidant, je pense qu’il est important d’explorer soi-même ses zones interdites. Il n’y a pas de mal à communiquer cela avec vos pairs. Même s’il est en train de s’ouvrir par rapport à un sujet, tu peux dire : « Attends une minute, je veux être disponible pour toi. Je suis vraiment content que tu t’ouvres à moi à ce sujet, mais c’est très proche de ce que j’ai vécu. Pour mon propre bien, je vais devoir te demander de ne pas en parler ; peut-être un autre jour. Je peux te mettre en contact avec quelqu’un à qui tu pourras parler. »

Je pense qu’en tant que pair-aidant, il faut comprendre où sont nos zones interdites et savoir qu’il n’y a pas de mal à fixer des limites. Ensuite, oui, il faut absolument prendre soin de soi. Prenez rendez-vous avec votre propre soutien clinique, ou si vous avez un mentor au sein de votre programme ou de votre organisation, faites appel à lui. Pour ma part, j’ai quelqu’un sur qui je m’appuie pour obtenir un soutien. Il m’arrive de débriefer jusqu’à un certain point avec cette personne.

Je pense que pour les pairs-aidants, il est important que le programme pour lequel ils travaillent puisse les soutenir, qu’ils se tournent vers leur programme, leur organisation, ou vers leurs collègues. Il faut également veiller à mettre de l’essence dans votre réservoir et à beaucoup explorer. Être pair-aidant est difficile. Je ne sais pas ce qu’il en est pour toi, Brian, mais pour moi, il était difficile de voir d’autres personnes souffrir. C’était difficile de voir leur douleur.

J’essayais presque de souffrir avec eux, ce qui n’est pas toujours une bonne chose à faire. J’ai fait du soutien par les pairs, j’essaie toujours de rester en contact avec certaines organisations de soutien par les pairs, parce que cela me passionne. Lorsqu’on est passionné par quelque chose, il est difficile de ne pas donner trop de soi-même.

Brian

Lors d’une sortie de pêche au crabe à Vancouver, j’étais sur un bateau avec un copain, nous posions nos casiers à pêche et nous bavardions. Nous avions tous deux étés en mission à l’étranger et nous ne savions pas que l’autre se trouvait dans le pays. Nous étions de bons amis, mais nous n’avions pas fait le rapprochement et nous étions tombés l’un sur l’autre lors d’un attentat à la bombe. C’est l’une des choses les plus drôles de ma vie maintenant. Cet attentat à la bombe était devenu une source de joie. En fait, pendant les 30 secondes où je l’ai croisé, j’ai passé un très bon moment.

Parler de bombardements comme d’un bon moment n’est pas une conversation normale. Je trouve ça drôle, il trouve ça drôle. Nous sommes sur ce bateau à crabes, nous parlons et nous rigolons. Lorsque nous commençons à évoquer certains aspects de cette expérience, nous réalisons que nous nous en souvenons différemment. À cette époque, il ne s’était écoulé qu’environ quatre ans depuis l’événement. Aujourd’hui, je dirais 14, 15, années plus tard, nous nous en souvenons exceptionnellement différemment, et nous nous énervions l’un contre l’autre en disant : « Non, tu te trompes. Nous avons levé la grue à ce moment-là et ensuite cela s’est produit. »

Je me souviens de cette conversation. Nous étions en train de nous fâcher l’un contre l’autre. Ce n’était pas le bon moment de s’énerver étant seul tous les deux et en plus on était sur son bateau. Très mauvaise idée.

Laryssa

Tu sais nager, Brian ?

Brian

Heureusement.

Laryssa

[rires]

Brian

Nous en sommes arrivés à un point où l’on s’est dit : « On s’en fout. Ça n’a pas d’importance. » Puis, et c’est là que la formation au soutien par les pairs a pris le dessus parce qu’on avait tous les deux un peu participé à cette formation, on a commencé à se dire : « Quelles sont les choses qu’on a ressenties à l’époque et qu’on se souvient encore de l’avoir ressentie aujourd’hui ? » La discussion est repartie de plus belle. C’était un moment d’enseignement. J’ai beaucoup appris à ce moment-là. D’abord, comment ne pas se faire jeter d’un bateau. D’autre part, pourquoi sommes-nous restés accrochés ? C’est ce que nous voulons dire par « porno de guerre », un terme que beaucoup de gens n’aiment pas. Ce à quoi nous faisons référence, ce n’est que les détails ne sont pas sans importance, mais concernant les raisons pour lesquelles je souffre en ce moment, ils peuvent ne pas avoir d’importance. Si nous pensons que cet incident aurait pu être évité, et nous le pensions tous les deux, c’est ce qui va nous déranger. Si nous pensons que l’incident a été mal géré, qu’il a été mal rapporté, si nous nous sommes sentis isolés et mis à l’écart, et c’est le cas pour nous deux, c’est ce qui nous dérange.

C’est un lien mutuel que nous avons, c’est la façon dont cet événement nous a fait nous sentir, et non pas si le bus a été soulevé par la grue à tel moment plutôt qu’à tel autre. Dans le monde du soutien par les pairs, je ne dis pas aux gens d’aller vivre leur propre histoire de pêche au crabe avec leur ami. Je dis que j’ai appris que ce qui fonctionne pour moi, c’est qu’il m’importe peu de savoir s’il y avait huit ou neuf personnes ou si c’était un mercredi ou un vendredi. Qui s’en soucie ? Vous avez ressenti ceci, et je le comprends. Je comprends. Je le ressens. C’est de ça qu’il s’agit.

Laryssa

Je pense qu’une partie de mon objectif pour le podcast est d’être ouvert sur nos expériences, de parler de sujets qui peuvent être pertinents, et que peut-être quelqu’un qui écoute pourrait avoir un élément d’information, ou cela pourrait le motiver ou le valider.  Si quelqu’un écoute cet épisode sur le soutien par les pairs, et que cette personne est isolée, qu’elle pense que personne d’autre ne comprend, comme je l’ai dit, quel que soit le mécanisme, qu’il s’agisse de harcèlement ou d’agression, peu importe, si vous vous sentez seul dans cette situation. Qu’est-ce que tu dirais à cette personne qui écoute en ce moment, qu’est-ce que tu veux qu’elle sache sur le soutien par les pairs ?

Brian

Je veux qu’ils sachent ce que j’en ai tiré, pas parce qu’ils vont trouver exactement la même chose. Encore une fois, c’est comme ce qu’on a dit au début. Je me sens relativement heureux. Je me sens relativement en sécurité. J’ai l’impression que ma vie évolue généralement dans une direction positive. On peut ressentir ces choses après avoir lutté, après avoir suivi une thérapie, en luttant encore. Comme vous le savez, il y a toujours des jours difficiles, des semaines difficiles. On peut y survivre. Mieux encore, on peut s’épanouir malgré cela. Ça, c’est l’aspect modèle à suivre.

Je ne pense pas qu’il s’agisse de trouver l’autre personne parmi les 600 000 qui correspond exactement à votre expérience. Vous pouvez le faire. Vous en trouverez probablement un. Ce n’est pas ce que nous recherchons. Pour moi, il s’agit surtout de savoir si je sais quelles émotions j’ai ressenties et si le pair-aidant l’a déjà ressenti aussi. Si c’est le cas, alors on peut en parler.

Laryssa

Voilà, nous sommes arrivés à la fin de cet épisode.

Brian

Super, une autre émission bouclée.

Laryssa

Exactement.

Brian

Merci à tous de vous être joints à nous pour un nouvel épisode de L’esprit au-delà de la mission. Nous espérons que vous avez apprécié cet épisode.

Laryssa

Si cette conversation vous a interpellé ou aidé d’une manière ou d’une autre, je vous encourage à vous abonner à L’esprit au-delà de la mission, quel que soit l’endroit où vous écoutez vos podcasts, afin d’être le premier à être informé de la sortie de notre prochain épisode.

Brian

Si vous connaissez quelqu’un susceptible de s’identifier à ce que nous avons évoqué ou de le trouver utile, n’hésitez pas à le lui envoyer. Nous faisons tous partie de la même équipe.

Laryssa

De plus, nous aimerions connaître les autres sujets que vous aimeriez que nous explorions dans les prochains épisodes. Brian et moi avons beaucoup d’idées et de sujets à aborder, mais vous, les auditeurs, avez probablement vécu ou pensé à des sujets qui ne nous ont pas encore traversé l’esprit.

Brian

N’hésitez pas à nous contacter si c’est le cas. Nous sommes sur la plupart des plateformes de médias sociaux à AtlasVeteransCA, alors n’hésitez pas à tweeter, à nous envoyer un message ou à laisser un commentaire sur cet épisode, et faites-nous savoir ce dont vous aimeriez nous entendre parler prochainement.

Laryssa

Brian, c’est toujours un plaisir d’avoir ces conversations importantes avec toi. J’attends avec impatience la prochaine fois.

Brian

Absolument, Laryssa. À bientôt.