- 2025-11-10
- Déclaration
Le mal contemporain des vétérans de l’ère moderne
Ottawa (Ontario) — Le 11 novembre 2025 — Au Canada, alors que nos pensées se tournent vers le jour du Souvenir, l’image traditionnelle souvent associée à un vétéran est celle d’un homme d’âge moyen ou plus âgé vêtu d’un veston de couleur marine, avec des médailles militaires épinglées à la poitrine et le coût du service visiblement gravé sur son visage.
Cette représentation peut être attribuée aux honneurs de service rendu au cours des deux guerres mondiales d’où est né le jour du Souvenir – le coquelicot rouge symbolisant le service et le sacrifice des vétérans et des personnes tombées au combat. À cette époque, la grande majorité des militaires étaient de jeunes hommes. Ceux qui ont eu la chance de revenir à la maison pour retrouver leurs proches ont été honorés lors d’actes commémoratifs aux côtés de leurs compagnons d’armes décédés. La mort et les blessures physiques étaient les conséquences durables le plus souvent associées à leur service, avec quelques degrés de séparation entre ceux qui ont servi, le temps qu’ils ont passé sur les champs de bataille et leurs souvenirs de compagnons d’armes perdus.
Mais ces campagnes remontent à près de 80 ans. Les visages des personnes qui ont signé sur la ligne pointillée depuis, ce à quoi ressemble le service et la transition vers la vie civile, tout a changé. Nos opérations militaires n’ont pas pris fin avec notre participation à ces grands conflits mondiaux. En effet, le Canada a continué de recruter, d’entraîner et de déployer des soldats à l’échelle du globe et au pays dans le cadre d’opérations d’urgence nationale, en plus de fournir un soutien lors de conflits internationaux et de missions de maintien de la paix.
Tout comme le Canada, nos forces armées se sont diversifiées. Les femmes représentent maintenant près de 20 % des Forces armées canadiennes, tout comme les membres de presque tous les groupes ethniques qui forment le tissu social du Canada. De même, en plus des blessures physiques, de nombreux vétérans portent souvent les blessures invisibles du service, qui peuvent entraîner des répercussions semblables ou, dans certains cas, plus dévastatrices.
Même si les militaires d’aujourd’hui n’ont pas eu à faire face à la mort de leurs camarades d’armes autant que ceux ayant vécu les conflits mondiaux d’autrefois, plusieurs d’entre eux ont quand même vécu le deuil et la dévastation de la perte d’un être cher qui avait combattu à leurs côtés. Aujourd’hui, les vétérans de conflits tels que la guerre de Corée, la guerre du Golfe, l’ex-Yougoslavie, l’Afghanistan, ou encore les opérations de maintien de la paix en Haïti, en Syrie et sur le plateau du Golan ont subi des pertes de nature différente, mais des pertes néanmoins, qu’elles soient causées par le combat, des accidents pendant l’entraînement ou des troubles de santé mentale.
Le fardeau des problèmes de santé mentale liés au service n’est pas nouveau, mais ces répercussions – et la nécessité d’y remédier adéquatement – commencent à être mises en lumière de façon importante. Nous savons également que les blessures complémentaires, comme les traumatismes cranio-cérébraux et les préjudices moraux, s’apparentent au trouble de stress post-traumatique (TSPT) et s’accompagnent de ce dernier. Les symptômes peuvent être difficiles à comprendre – sentiments prolongés de colère, de tristesse et de panique, difficulté à se concentrer et à dormir, pensées et souvenirs intrusifs. L’effet cumulatif peut mener à des comportements d’automédication.
Le nombre de personnes affectées n’est pas anodin. Une enquête de 2016 a été menée auprès de vétérans de la Force régulière libérés entre 1998 et 2015 ayant eux-mêmes déclaré leur TSPT. Il n’est pas difficile de faire la distinction entre ces problèmes et les taux plus élevés de suicide chez les vétérans. L’Étude sur la mortalité par suicide chez les vétérans, une étude menée en collaboration par Anciens Combattants Canada, le ministère de la Défense nationale et Statistique Canada, a permis d’examiner les dossiers de plus de 230 000 vétérans libérés des Forces armées canadiennes entre 1976 et 2014, soit sur une période de près de 40 ans. L’Étude a révélé que, dans l’ensemble, les hommes vétérans couraient un risque 1,4 fois plus élevé de se suicider que les autres hommes canadiens. Les hommes vétérans plus jeunes présentaient un risque beaucoup plus élevé que les autres hommes canadiens, et ceux de moins de 25 ans présentaient un risque 2,5 fois plus élevé. Les femmes vétérans présentaient presque le double du risque de suicide par rapport aux autres femmes canadiennes.
Si la personne éprouve des difficultés à cet égard, quelles sont les répercussions sur la famille? Le suicide d’un membre de la famille a des répercussions profondes, multidimensionnelles et durables, notamment de graves conséquences émotionnelles, psychologiques, sociales et même financières pour l’ensemble de l’unité familiale, y compris un risque accru que les membres de la famille qui ne servent pas dans les Forces armées canadiennes aient leurs propres problèmes de santé mentale.
La vérité, c’est que nous continuons de perdre les personnes qui ont servi à cause de leurs blessures, mais il n’est pas aussi facile de déterminer le nombre après qu’elles aient quitté les Forces que d’attribuer une perte de vie à une blessure subie sur un champ de bataille.
Donc, si les problèmes de santé mentale sont maintenant les blessures du vétéran de l’ère moderne – un fardeau invisible qu’il porte depuis qu’il a servi dans les Forces – il y a donc une obligation reconnue de répondre à ses besoins dans ce domaine de la façon la plus accessible, efficiente et efficace possible. Point à la ligne. Et ce plan exhaustif de soins de santé mentale sera incomplet si la famille et ses besoins ne sont pas pris en compte, surtout si l’on tient compte du rôle essentiel que jouent les membres de la famille pour favoriser le bien-être du militaire tout en composant avec leurs propres fardeaux, sacrifices et service.
Le Canada a une obligation de diligence envers ses vétérans et leurs familles. Le pays doit continuer d’honorer leur expérience changeante du service et les pertes qui continuent de s’accumuler. Le suicide est le mal contemporain des vétérans de l’ère moderne.
— Fardous Hosseiny, président et chef de la direction de l’Institut Atlas pour les vétérans et leur famille
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