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Mois des enfants de militaires

Être l’enfant d’un vétéran ou d’un membre actif des Forces armées canadiennes (FAC) peut être difficile. Cela implique souvent de déménager dans de nouveaux endroits, de laisser derrière soi des amis pour s’en faire de nouveaux dans une autre ville, et de s’adapter à de nouvelles écoles et à de nouveaux programmes d’études. Mais une telle expérience comporte aussi des avantages qui, de concert, permettent de créer des enfants à la fois forts, flexibles, capables de s’adapter, matures et dotés d’un fort esprit de famille et d’un sens aigu des responsabilités.

Le Mois des enfants de militaires est l’occasion pour nous de célébrer les enfants ­– jeunes et moins jeunes – des familles de militaires et de vétérans. Il est important de reconnaître les sacrifices consentis par les enfants de militaires, ainsi que leurs forces, et de leur donner accès à des ressources susceptibles de les aider dans les moments plus difficiles.

Nous vous invitons à suivre sur cette page nos publications sur le Mois des enfants de militaires de découvrir de nouveaux profils d’enfants de militaires provenant des quatre coins du pays, autant ceux qui l’ont un jour été que ceux qui le sont aujourd’hui!

Nous espérons que les ressources suivantes pourront aider votre famille dans les bons moments, comme dans les moments difficiles :

  • L’Institut des Familles Solides – Programmes pour les militaires : Si vous avez besoin d’accompagnement pour les transitions, comme les déploiements, les affectations, les cours de formation et la réintégration, l’Institut des Familles Solides peut vous aider. Les programmes offerts par l’Institut ont pour but d’aider les familles ayant des enfants de 3 à 17 ans à développer des stratégies d’adaptation au changement. Les services y sont gratuits et offerts à des moments qui conviennent aux familles, en plus d’être assurés par des employés formés aux compétences culturelles militaires.
  • Wounded Warriors Canada (WWC) : Le programme Warrior Kids [enfants guerriers] de WWC a pour but d’aider les enfants à bâtir des relations positives avec leurs pairs, à acquérir des connaissances et à développer de nouvelles capacités d’adaptation qui les aideront à grandir et à s’épanouir.
  • Guide pour le travail auprès des enfants des militaires : Ce guide conçu par les Services de bien-être et moral des Forces canadiennes et Jeunesse, J’écoute offre d’excellents conseils sur la façon de travailler avec les enfants des militaires et de les soutenir.
  • Nos Superpouvoirs : Nos Superpouvoirs est un livre pour enfants mettant en relief le soutien qu’apportent les enfants à leurs parents, vétérans ou membres des Forces armées canadiennes, qui doivent composer avec des blessures ou une maladie.
  • JEUNESFAC – Service d’aide en cas de crise par texto : Saviez-vous que les enfants et les jeunes des familles des militaires vivant au Canada ont accès 24 h/24, 7 j/7 à un service gratuit et confidentiel de texto en cas de crise? Il suffit de texter JEUNESFAC au 686868 en tout temps pour obtenir du soutien en matière de santé mentale et de bien-être.

Kathryn est fière d’avoir été une enfant de militaire. Elle a grandi dans une famille des Forces armées canadiennes (FAC) dans les années 60 et 70, et elle a habité dans des bases militaires au Nouveau‑Brunswick, au Québec et dans l’ex-Allemagne de l’Ouest. D’un déménagement à l’autre, elle a connu les difficultés de laisser derrière elle des amitiés tout en s’adaptant à d’autres cultures. Elle ne changerait cependant son enfance pour rien au monde.

Warrant Officer (Ret’d) Cyril Jordan

« Selon moi, il y a deux catégories d’enfants de militaires : ceux qui se débrouillent très, très bien, et ceux qui vivent ça difficilement. C’était sans doute la meilleure façon d’apprendre à vivre le moment présent, même si je me disais parfois “Pourquoi faut-il encore se faire de nouveaux amis?” ou “Pourquoi encore tout recommencer?” Ça m’a permis d’apprendre le vivre-ensemble en oubliant un peu ma propre personne, au-delà de ma culture, et ainsi d’explorer et d’élargir mes horizons », affirme Kathryn.

Même si elle reconnaît sa chance d’avoir vécu dans différents pays, Kathryn est consciente que les transitions ont été difficiles pour tous les membres de sa famille. Il leur a fallu du temps pour se rajuster à leur retour au Canada : « Après l’Europe, nous trouvions la nourriture tellement fade ici. C’étaient les années 70, alors les restos de l’époque ne servaient pas la même cuisine qu’aujourd’hui. »

Elle avoue que ces transitions ont particulièrement pesé lourd pour ses parents. « Mon père était une personne distante sur le plan affectif, et même physique. Il partait, il s’enrôlait dans toutes sortes de choses qui l’occupaient ailleurs pendant un an. Et lorsqu’il revenait après un exercice militaire ou quelque mission à Chypre ou en Égypte, c’était très difficile pour lui de trouver sa place dans le train-train quotidien. »

La mère de Kathryn a souvent agi comme une mère célibataire, prenant en charge le ménage en l’absence de son mari. Et quand il revenait, ce n’était pas toujours les grandes retrouvailles. Il y avait souvent des tensions et des disputes, même parfois de la violence, malheureusement. « Je me souviens d’être intervenue pour les séparer, et je peux vous dire qu’à cet âge-là, ce sont des choses dont on ne parle pas et qu’on garde pour soi », dit-elle.

La guérison et le pardon

Warrant Officer (Ret’d) Cyril Jordan

« Lorsque j’ai quitté la maison, je ne savais pas que mes parents souffraient d’un trouble de stress post‑traumatique (TSPT). Je leur en voulais, et je me sentais un peu comme un agneau blessé. Heureusement, j’ai eu la chance d’être accueillie par mes grands-parents quand je suis partie. Et ce n’est pas avant d’atteindre moi-même la soixantaine avancée que j’ai compris que mes parents avaient un TSPT : j’étais aux prises avec le même problème, et c’est là que j’ai voulu comprendre », explique Kathryn.

Kathryn a suivi plusieurs thérapies et cherché à mieux se connaître et à vivre le moment présent, si bien que son ressentiment à l’égard de ses parents s’est transformé en une véritable empathie. En voulant guérir et pardonner, elle a réussi à mieux accepter que nous sommes imparfaits, et que c’est normal.

Elle ajoute : « Je me demande parfois, en rétrospective, si je ferais les mêmes choix de vie si c’était à recommencer. Et la réponse est oui, absolument. »

Un message pour les enfants de militaires d’aujourd’hui

Warrant Officer (Ret’d) Cyril Jordan

« Dans certains cas, ce n’est qu’après plusieurs années qu’on finit par comprendre. C’est alors que viennent la compassion et le pardon, mais aussi l’acceptation de soi et de ce qui a forgé notre identité. Sachez simplement que vos parents vous aiment, et qu’ils font leur possible en ce moment avec les moyens qu’ils ont. »

Grant a grandi dans une famille militaire. Il a toujours eu l’impression que sa famille imposait un certain degré de respect et que les gens les traitaient différemment parce que son père était dans l’armée. Ils avaient quelque chose de spécial. Sa famille avait une histoire inspirante, avait un avenir financier assuré et, de l’extérieur, était équilibrée. Tout n’était pas rose pour autant.

« En grandissant, je ne comprenais pas vraiment ce qui était différent. J’ignorais ce qui était normal. Je savais seulement ce que moi je trouvais normal », raconte Grant. Quand son père a pris sa retraite de l’armée, l’adaptation a été difficile. Grant s’est retrouvé dans une situation où il devait être très vigilant et continuellement aux aguets. Il a dû apprendre à déchiffrer les émotions des autres et à y réagir en conséquence.

« Je ne savais jamais ce qui m’attendait à la maison. Je suis devenu très empathique et toujours à l’affût de ce qui se passait autour de moi dès mon plus jeune âge. J’ai dû l’être pour ma propre sécurité. Cela m’a rendu plus avisé que j’aurais dû l’être », pense Grant.

L’isolement et le manque de ressources étaient difficiles. « Une partie du TSPT de mon père se manifestait par l’évitement. Mon père s’est vraiment distancié de l’armée au début de sa retraite. Je n’avais pas beaucoup d’occasions de rencontrer d’autres enfants dans ma situation. Donc, j’ai dû bâtir ma propre communauté », explique Grant.

C’est seulement après avoir quitté le foyer familial pour aller à l’université que Grant a commencé à voir ce qui se passait vraiment à la maison. Ce n’était pas « normal » et, malheureusement, ce n’était pas correct. « Je me suis rendu compte qu’une bonne partie de ce que j’ai appris durant mon enfance venait du fait de vivre avec une personne dont le cerveau avait été programmé pour une zone de guerre et dont les compétences parentales étaient influencées par son entraînement. Pour un enfant, les choses qui étaient dites, et la manière dont elles étaient dites, faisaient peur, mais je me suis souvent culpabilisé parce que mon père n’a jamais voulu me blesser ou me faire peur intentionnellement. Il m’aimait (et m’aime encore), confie Grant. Il a fallu du temps et bien des thérapeutes pour comprendre que ce n’était ni de sa faute ni de la mienne et que ni lui ni moi n’étions de mauvaise personne. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à me rétablir, à me doter de mécanismes de soutien et à compter sur des amis de confiance. La partie la plus importante de mon cheminement a été d’apprendre à avoir des limites avec mes parents. »

Trouver sa communauté et retrouver la santé

« Ç’a été difficile de fixer des limites. C’est dur de créer un espace, de faire respecter la distance quand tu sais que tes parents ont besoin de toi, mais je devais commencer à m’occuper de moi », explique Grant.

Après avoir fixé des limites, il a commencé à déployer activement des efforts pour se bâtir une communauté et chercher de l’aide. Sa communauté est partie d’une soirée hebdomadaire de jeu qui est vite devenue le point culminant de sa semaine. Mais Grant a compris qu’il lui fallait plus qu’un moment à attendre avec impatience dans sa semaine. Si la soirée de jeu était annulée, il avait besoin d’autres choses pour l’aider à maintenir un état d’esprit positif et sûr.

Sa nouvelle communauté l’a aidé à retrouver confiance en lui et à se sentir bien. Grant a appris à affronter des situations, des conversations ou même des semaines difficiles en se tissant une grande communauté et en pratiquant différentes activités qui lui procurent du plaisir et une sérénité. L’écriture de poèmes, les arts, l’écoute de musique et de balados ou même juste du temps passé dans un bon bain l’ont amené à comprendre l’importance de s’occuper de lui. Choisir consciemment de prendre soin de lui a été très bénéfique dans son quotidien.

« Des fois, c’est dur de parler des choses difficiles qui se passaient. C’est dur de le faire tout en montrant à mes parents combien je les aime énormément, avoue Grant. L’idée de l’espoir ne m’allumait pas. J’étais déprimé de penser que l’espoir était absent. Mais avec les bons amis, les bons médicaments et la bonne démarche, je ne dirais pas que j’ai espoir, mais que l’espoir est possible. C’est encore difficile, mais j’ai plus de bonnes que de mauvaises journées maintenant. Les choses peuvent s’améliorer », ajoute-t-il.

Anne est fière de son père et des sacrifices qu’il a fait pour son pays. Elle a grandi dans une famille des Forces armées canadiennes (FAC) dans les années 2000, dans la grande région de Québec. « Mon père est un modèle de courage, de force et de résilience », dit-elle d’emblée. Bien que des liens serrés l’unissent maintenant à son père, le parcours de la famille ne fut pas sans défis.

Enfance dans une famille militaire

Les années du primaire n’ont pas toujours été faciles pour Anne, qui se sentait bien seule dans sa situation. Le seul autre élève dont le père faisait aussi partie des FAC vivait une enfance différente de la sienne. « Son père n’avait pas de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Quand il revenait de mission, tout semblait rose. Mon ami faisait plein d’activités avec son père », se remémore Anne. Le père d’Anne a quant à lui reçu son premier diagnostic de TSPT quand elle avait deux ans. Quand il revenait de mission, il parlait peu et s’isolait. Anne ne comprenait pas pourquoi les deux familles vivaient des réalités si différentes. « Je me comparais à mon ami dont le père faisait le même travail que le mien. Je me demandais si c’était moi le problème, si c’était de ma faute », se souvient-elle.

 

Anne aurait aimé qu’enfant, on lui explique ce que vivait son père. « C’est difficile de comprendre le TSPT de notre parent quand on est enfant. J’aurais eu besoin de comprendre sa réalité, ce qui se passait dans sa tête, » explique-t-elle. Or, bien que bienveillants, les professionnels qui l’ont soutenue ne comprenaient pas toujours la vie des familles de militaires.

 

C’est manque de compréhension quant au TSPT de son père qui a amené Anne à couper les ponts pendant quelques années l’adolescence. « Je lui en voulais pour des choses qui n’étaient pas de sa faute. J’ai tracé des liens qui n’existaient pas, j’ai cru qu’il avait voulu être absent », déplore-t-elle. C’est entre autres grâce au support de ses amis qu’Anne a repris contact avec son père. Elle se confiait beaucoup à eux, et ils l’ont aidée à faire la part des choses et l’ont encouragée à écrire à son père. « Sans mes amis au primaire et au secondaire, je ne serais peut-être pas arrivée à ma prise de conscience. Je ne veux plus le bouder pour des choses qui ne sont pas de sa faute. » Petit à petit, ils ont recollé les pots cassés.

Fierté et reconnaissance

« Je suis contente de la relation que j’ai bâtie avec mon père ces dernières années », dit Anne. Ils ont réappris à se connaître, à se faire confiance. Elle n’aurait jamais rêvé que leur relation devienne un jour aussi belle. « Je suis très reconnaissante de ce lien qui nous unit maintenant. On se parle de ce qu’on a vécu. Je suis capable de m’ouvrir à lui, et il en est aussi capable en retour. »

Les expériences qu’Anne a vécues lui serviront sous peu dans le monde professionnel, elle qui complète actuellement un programme en techniques de travail social. « Je veux aider des jeunes qui ont un parcours similaire au mien. Je veux aider d’autres enfants de militaires à bâtir une relation comme celle que j’ai avec mon père », dit-elle. Anne veut offrir un soutien adapté à la réalité des familles des FAC, car encore trop peu de services répondent aux besoins spécifiques de cette communauté. Elle veut que les enfants se sentent entendus et, surtout, compris. « Je crois que mon père est fier que je veuille aider d’autres jeunes », ajoute-t-elle.

Anne espère ensuite compléter un baccalauréat et une maîtrise, et étendre ses services de soutien aux militaires qui reviennent de mission.

Message pour les enfants de militaires d’aujourd’hui

Plus que tout, Anne veut que les jeunes comprennent qu’ils ne devraient pas porter le poids de leur situation familiale sur leurs épaules. « Vous n’êtes pas le problème. Ce qui se passe à la maison n’est pas de votre faute. »