- 2025-01-08
- Général
Au-delà de la tunique rouge : les traumatismes répétitifs et les besoins de traitement des membres de la police montée
Pour de nombreux Canadiens et d’autres personnes à travers le monde, l’image emblématique de la Gendarmerie royale du Canada en tunique rouge et stetson est un symbole national internationalement reconnu, souvent vu lors d’événements communautaires, de cérémonies de citoyenneté et dans les ports accueillant les visiteurs des navires de croisière. Cependant, les Canadiens connaissent moins les difficultés que nous, les membres de la police montée, pouvons rencontrer lorsque nous portons l’uniforme – et ce que cela signifie pour notre santé mentale et notre bien-être, l’impact que cela peut avoir sur nos familles et son importance pour les cliniciens qui s’occupent de nous.
Il est généralement admis et compris que le fait de devenir policier comporte des risques réels pour notre sécurité physique. Lorsque nous postulons pour entrer dans la police et que nous commençons la formation des recrues sur le terrain, ces risques sont attendus, anticipés et régulièrement discutés. Ce dont on ne parle pas assez, ce sont les risques psychologiques découlant de notre exposition quotidienne à des événements traumatisants dans l’exercice de nos fonctions. Alors que nous recevons des vestes tactiques et des armes de poing pour nous protéger physiquement, nous ne disposons pas des mêmes outils pour nous protéger mentalement.
Le slogan de la GRC est « une carrière hors de l’ordinaire » et on ne saurait trop insister sur ce point. Pensez à ce qui peut se passer au cours d’un seul quart de police de première ligne de 12 heures : Un policier peut intervenir en cas d’agression sexuelle grave, retirer un enfant maltraité de la garde de ses parents, s’occuper d’une mort subite et enquêter sur une collision frontale mortelle. Tous ces événements sont susceptibles d’être considérés comme des traumatismes, et il ne s’agit là que d’une seule mission parmi les centaines, voire les milliers, que compte une carrière policière.
On ne parle pas assez des besoins en matière de santé mentale et de traitement des maladies mentales des agents et anciens agents de la GRC. Une étude réalisée en 2024 a révélé que les agents de la GRC sont exposés à 13 événements potentiellement traumatisants différents au cours de leur carrière. C’est plus que les 11 rapportés par les autres personnels de sécurité publique (PSP) canadiens et c’est un contraste frappant avec le Canadien moyen qui n’en subira que deux au cours de sa vie. Cette même étude a également montré que l’exposition à ces événements traumatisants était souvent corrélée à un dépistage positif d’un trouble mental, y compris le trouble de stress post-traumatique (TSPT), et les recherches connexes suggèrent que les agents de la GRC sont deux fois plus susceptibles que les autres PSP d’être dépistés positifs pour un TSPT.
De même, une étude réalisée en 2018 sur divers PSP au Canada a révélé que 50 % des répondants de la GRC ont été dépistés positifs à un trouble mental tel que l’anxiété ou le TSPT et que 25 % ont déclaré avoir eu des idées suicidaires (pensées suicidaires) au cours de leur vie. Lorsqu’on a interrogé ces agents sur leurs expériences au cours de l’année écoulée, près de 10 % ont déclaré avoir eu des idées suicidaires et 4,1 % ont planifié de mettre fin à leur vie. Ces taux d’idées suicidaires au cours de la dernière année sont similaires aux 9,8 % rapportés par les vétérans militaires et significativement plus élevés que le taux de 2,6 % rapporté par la population canadienne en général.
Alors qu’il est courant de considérer le TSPT comme une blessure de combat affectant principalement les personnes déployées dans le militaire ou comme une réaction à un événement traumatique unique, les agents de la GRC subissent de manière unique les impacts d’expositions cumulatives et répétitives à des événements traumatisants. Et comme ces expériences sont uniques, le traitement conçu pour répondre à leurs besoins spécifiques doit l’être aussi.
Cela signifie que les cliniciens qui traitent ces blessures de stress opérationnel doivent comprendre et reconnaître les réalités de ce que vivent les agents de la GRC dans le cadre de leur travail quotidien et avoir une connaissance et une compréhension spécialisées de la culture policière et de ses traumatismes cumulatifs et aggravants. Dans le domaine de la médecine, certains médecins suivent une formation avancée afin de pouvoir se spécialiser et traiter des populations et des conditions spécifiques. C’est ce que l’on constate avec les employés des hôpitaux militaires spécialisés aux États-Unis qui traitent les soldats de retour de déploiements militaires. En revanche, de nombreux cliniciens en santé mentale qui traitent les agents de la GRC sont des généralistes en termes de formation et d’expérience et manquent de compétences culturelles et de compréhension de l’expérience des agents de la GRC. Trop souvent, les séances de thérapie se transforment en séances éducatives pour les cliniciens, où le client passe son temps à combler les lacunes en matière de connaissances plutôt que de servir l’objectif visé. Cela peut prolonger inutilement ou empêcher le rétablissement, créer des frustrations tout au long de l’expérience thérapeutique et susciter des sentiments de découragement et de désespoir lorsque des modalités de traitement inefficaces sont employées.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre comment l’exposition répétée à des événements potentiellement traumatisants influe sur la santé mentale à long terme des anciens agents de la GRC et des agents actuellement en service, quels sont les traitements les plus efficaces pour leurs traumatismes aggravés et quelles sont les normes de formation pour les cliniciens qui travaillent avec cette population afin d’accroître leur compétence culturelle et de promouvoir le rétablissement et de meilleurs résultats en matière de santé pour cette population.
— Caporale (à la retraite) Sarah Lefurgey
(Merci à Kate Hill MacEachern pour son aide dans la rédaction de ce billet de blogue)
La caporale (à la retraite) Sarah Lefurgey a rejoint la GRC en 2009 et était une enquêtrice spécialisée dans les crimes contre les enfants. Sarah a été promue au poste de superviseure d’une unité de crimes majeurs avant de démissionner en 2020. Elle est membre du Conseil des vétéranes et du groupe de travail du Projet Athéna.
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